mercredi 25 janvier 2012

Le fiasco de la politique de soutien à la filière solaire en France


Éruption solaire



En un an, la filière qui employait 18 000 personnes fin 2011 (développeurs, installateurs, électriciens...), vient de perdre 7 000 emplois.
Photowatt, le seul fabricant hexagonal de cellules et de panneaux photovoltaïques et dans lequel l’Etat (via le CEA) a investi 100 millions d’euros (440 emplois), est en règlement judiciaire.
Les carnets de commandes des PME spécialisées dans l’assemblage et l’installation se sont vidés. Les géants du secteur ont choisi d’investir à l’étranger.
La crise et les prix défiant toute concurrence des industriels chinois sont passés par là, mais le gouvernement français porte une large part de la responsabilité de ce sinistre.

De l’autre côté du Rhin, la barre du million d'installations photovoltaïques a été dépassée en novembre dernier en Allemagne, qui, malgré son moindre ensoleillement (avec pour conséquence un coût de production plus élevé), équipe 4% des foyers, produit les 3/4 de l’électricité solaire européenne et le tiers de l’énergie solaire photovoltaïque mondiale. La filière qui ne cesse de se développer depuis 10 ans bénéfice d’avantages comparatifs croissants qui devraient normalement l’autoriser à couvrir à terme 10% des besoins énergétiques du pays, sortie du nucléaire oblige.



panneaux photovoltaïques en Chine

Filière promise à un bel avenir (c’est la seule énergie dont le coût baisse chaque année), partout dans le monde, elle requiert le temps de son développement des mesures conséquentes de politique industrielle, d’aides des pouvoirs publics (subventionnement du tarif du KWH, aides fiscales à l’installation pour les foyers, aides à la recherche pour le développement de cellules de 2e génération,...).

La mise en place de mesures réellement incitatives en France (2006) conjuguée à une baisse phénoménale des prix de panneaux importés, a dans un premier temps boosté offre et demande sur ce marché, au point que la filière a dépassé très largement les objectifs d’installation (jugés de tout manière trop modestes pour les acteurs du secteur), et surtout ont gonflé les dépenses publiques d’intervention.
 

Cet état de fait a conduit le gouvernement, dans un contexte budgétaire de réduction des dépenses publiques, à modifier tous les six mois depuis 2008, la réglementation du secteur (notamment dans le sens d’une réduction du soutien financier de l’Etat) ce qui a fortement pénalisé consommateurs et intervenants de la filière photovoltaïque.
Le moratoire de trois mois sur le solaire décrété par le gouvernement fin 2010, suivi d’un nouveau cadre malthusien, fut le coup de grâce pour un secteur éprouvé par cette instabilité juridique qui modifiait règles du jeu et rentabilité prévisionnelle des business plans.



centrale solaire en Californie

Enfin, la mise en règlement judiciaire par son propriétaire canadien de Photowatt, dans laquelle l’Etat a investi et dont les principaux actifs sont des brevets publics (pourquoi diable cette boite n’est-elle pas nationalisée ?),  ainsi que l’investissement des géants de l’énergie à l’étranger (exemple Total aux Etats-Unis), signent l’incohérence (ou l’absence) de la politique industrielle conduite par ce gouvernement.

La filière solaire en pleine éclipse - Libération du 9/1/2012
Le photovoltaïque à quel prix ? - L'Usine Nouvelle du 10/2/2011



BREF - J'ai passé un entretien d'embauche

mardi 24 janvier 2012

F-Haine



 Le dictateur de Charlie Chaplin (1940)


La fille Le Pen et sa clique en 28 minutes sur LCP : Marine Le Pen, une révolution au Front.
L’emballage a été (légèrement) relooké pour un marché porteur, mais à l’intérieur, c’est toujours la même saleté haineuse. Son énergie, sa violence, celle de ses émules font froid dans le dos.

Pendant ce temps, le ministre de l’intérieur et de l’immigration est très fier de ses chiffres
:
Un record d’expulsions (près de 33 000), un nouveau tour de vis sur l’immigration légale, et quelques tours de passe-passe statistiques. A trois mois de la présidentielle, Claude Guéant a fait la preuve hier que Nicolas Sarkozy ne cédera pas un pouce de terrain au Front national sur la question de l’immigration. LA SUITE

Chronique fiction - Le jour où... Nicolas Sarkozy songera à voter Marine Le Pen

Sur ce site :  Marine Le Pen, l'héritière




mercredi 18 janvier 2012

L’impuissance en politique : le cas de la taxe sur les transactions financières


Des indignés à la City de Londres en novembre 2011 - Photo : Ben Stansall




Zapping sur la télé hier soir. Sur Arte, la conclusion d’un débat sur l’avenir de l’euro : la monnaie unique sera sauvée si et seulement si les 17 Etats inscrivent dans leur constitution « la règle d’or » et se mettent à rembourser leurs dettes en réduisant leurs dépenses et en augmentant leurs rentrées fiscales. Suit un documentaire sur l’effarante course à l’armement atomique des Etats-Unis et de l’URSS durant la guerre froide. Chez Taddéi, un débat sur l’Europe, Marie France Garaud, épatante, n’est pas d’accord avec Jacques Attali. Souverainiste, sur la question de la dette publique, elle répète deux fois qu’on ne pourra jamais la rembourser. Pour lui, on n’a pas le choix, il faut tenter de sauver l’euro et rembourser la dette au moins pour trois raisons : on aurait tous un peu de cette dette par exemple dans nos placements d’assurance-vie (personnellement je n’en ai pas), s’il y a défaut, on ne pourra même plus payer les fonctionnaires dans les prochains mois, et le scénario de l’Argentine dont les habitants auraient perdu 30 % de leur pouvoir d’achat, ne manquera pas de nous tomber dessus. Selon Attali, la seule question qui se pose, c’est : « qui va payer ? ».

Marie France Garaud est d’une génération qui a connu de près une certaine grandeur de l’Etat et du politique, à une époque où il n’était pas complètement ridicule d’évoquer « la grandeur de la France ». Dans son dernier essai, elle analyse l’impuissance actuelle des gouvernants à défendre leur peuple pour avoir accepté, par conviction ou facilité, de se dessaisir de leurs principaux leviers d’action, et la défiance générale des peuples occidentaux à leur égard (en particulier en France) qui s’est installée.


A l’heure où tous les gouvernements cherchent du pognon pour faire face à leur surendettement, le projet toujours remis à plus tard d’instauration d’une taxe sur les transactions financières, qui n’est plus pour grand monde une utopie, constitue un bon exemple de cette impuissance par l’inadéquation des modalités de « gouvernance » d'une économie globalisée.



Avec cet art de la récupération dont le marketing et la publicité sont depuis longtemps maîtres, Sarkozy a annoncé dans la foulée de la TVA sociale, une mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF), avant la fin de son mandat, sans attendre l’avancée de ce projet qui est sur la table de la Commission européenne.
Pourtant, comme il l’affirmait avec force en 1999, c’est typiquement le genre d’initiative qu’on ne peut prendre qu’avec un nombre significatif de pays sous peine de plus y perdre que d’y gagner, notamment en termes de points de PIB et d’emplois, puisque partout la finance de marchés est une « industrie » dont le poids est devenu non négligeable (et on n’évoquera même pas ici les paradis fiscaux que l’Europe nourrit en son sein).
Sans surprise, le lobby de la finance parisienne a donc protesté. Les autres pays et la Commission de même (« ça devrait se décanter durant 2012 »). Sauf qu’en l’état de nos traités européens, cette question pour aboutir doit réunir l’accord à l’unanimité des 27, à défaut des 17 de la zone euro.
La TTF est ainsi condamnée d’avance au niveau de toute l’UE : outre le Royaume-Uni dont la City est la principale activité, la Suède s’y oppose. Au sein même des Dix-Sept, rien n’est joué : les très libéraux Pays-Bas y sont hostiles, et l’Irlande a conditionné son accord à celui de Londres…

Alors ? Le gouvernement Sarkozy a-t-il eu raison d’annoncer que la France «n’attendra[it] pas que tous les autres soient d’accord» pour instaurer cette taxe et de «donner ainsi l’exemple » ?
Face à de telles impasses, de rage, on finit par se demander si ce coup de force n’est pas préférable à l’inhibition. C’est d’ailleurs le fond de commerce des populistes : à un moment donné l’électeur qui n’a rien à perdre peut préférer le risque du bordel et du pire, à rien.



Louise-Michel de Benoît Delepine et Gustave Kervern

Alors on a envie de dire : « Chiche ! » La situation économique n’a jamais rendu aussi nécessaire et possible une telle taxe.
Si la taxe sur les transactions financières était mise en œuvre avec succès, elle pourrait toujours faire des émules. Et si le projet était abandonné ou vidé de sa substance par un taux ridicule sur un nombre d’opérations limité (ce qui est l’hypothèse la plus probable), on ne comprendrait pas que le candidat PS n’en fasse pas un volet essentiel de sa politique fiscale et diplomatique.



lundi 16 janvier 2012

Le financement de la Sécu et l’emploi : pour ou contre la TVA "sociale » ?





Il a déjà été évoqué ici le problème que pose notre mode principal de financement de la protection sociale sous la forme de cotisations sociales salariales et patronales qui représentent pour un emploi non subventionné entre 1.7 fois à 2 fois le salaire net versé au salarié.
Pour les emplois de secteurs exposés à la concurrence internationale, notre coût du travail ne serait pas significativement plus élevé que celui de nos principaux partenaires commerciaux , lequel ne pose pas de problème tant que la valeur créée et la productivité du travail sont fortes et que la spécialisation internationale autorise une compétitivité qui ne passe pas exclusivement par les prix et donc les coûts.
Pour autant, on sait désormais que l’industrie française a perdu 600 000 emplois en 10 ans (depuis 2000) et près de 40 % de ses effectifs en trente ans.
Pour les secteurs protégés de la concurrence internationale et notamment pour les petites entreprises, c’est une autre affaire. On a tous autour de nous une proche ou une relation qui a fait ses calculs en vue d’embaucher quelqu’un et à qui, après être passé par la case Sécu et Impôt, le tableau Excel a dit qu’il ne gagnait pas assez pour le faire.
Ce mode de financement de notre protection sociale a abouti à une substitution généralisée du capital au travail, autrement dit, on a remplacé des emplois par des machines, partout, dans l’industrie, dans l’agriculture, dans les services, y compris publics, au détriment de l’emploi.

Ce constat ancien a conduit les pouvoirs publics à fiscaliser partiellement le financement de la sécurité sociale, d’abord avec la CSG voulu par Michel Rocard puis par la CRDS de Juppé, dont les taux n’ont cessé d’être réévalués par les gouvernements de gauche comme de droite.
La CSG était une (petite) révolution, celle de mettre à contribution les revenus du capital et les rentes des retraités, introduisant ainsi un financement plus juste et à fort rendement. Ainsi, aujourd’hui la CSG rapporte bien plus que l’impôt sur le revenu grâce à son assiette très large pour représenter en 2009, 28 % des recettes du régime général de la Sécurité Sociale.







Le Havre d'Aki Kaurismaki



C’est en partie une même problématique qu’est né le projet de «TVA sociale », sur l’exemple notamment du Danemark qui dès la fin des années 80, substituait une hausse de la TVA à ses cotisations sociales patronales.
L’idée est d’abaisser les cotisations sociales par la mise à contribution des consommateurs qui ne sont pas que des salariés, via une augmentation de la TVA, un impôt payé par les consommateurs et non par les entreprises (En effet, il est bien prévu que les entreprises répercutent la baisse de charges dans leur prix mais l’expérience de la baisse de la TVA dans les cafés et restaurants ou sur les travaux dans l’immobilier ont montré qu’elles ne le font que rarement et encore très partiellement).

Sarkozy et son équipe viennent de s’apercevoir qu’un quinquennat ça passe vite et que dans quatre mois c’était les élections, ils ont donc réactivé ce vieux projet de la droite et du MEDEF.
La « TVA sociale » comporterait également un objectif de « politique commerciale » voire « industrielle » en incitant les consommateurs à se réorienter vers des produits « made in France » dans l’hypothèse peu probable que les entreprises répercutent cette suppression des charges patronales dans leur prix.

La gauche a beau jeu de dénoncer l’injustice d’une telle réforme qui pèse relativement plus sur le bas de l’échelle sociale (la TVA est l’impôt le plus injuste), et plus conjoncturellement de craindre son impact négatif sur la consommation et sur la croissance au moment où la France est entrée en récession.
Si certains socialistes ont un temps défendu ce projet, on peut supposer qu’ils sont davantage favorables à un relèvement de la CSG ou à d’autres réformes fiscales. Mais une fois de plus, on ne peut déplorer que la gauche ait laissé l’initiative d’une proposition sur cette question essentielle à Sarkozy et, pour l’heure, son absence de proposition alternative.
Il en va malheureusement de même avec l’annonce faite de la mise en place de la taxe sur les transactions financières en France, mais cela fera l’objet d’un prochain billet.


Une TVA vraiment sociale ? Libération 2/1/2012 (vidéo)

La « TVA sociale », un dispositif injuste et antisocial Christiane Marty (Fondation Copernic)

TVA sociale, le moment est mal choisi 
Guillaume Duval sur Alternatives Economiques 
 


Claudine Doury, Kolkhoze de coton, Kokand - Ouzbekistan 2002

dimanche 15 janvier 2012

Contre le discours dominant sur la dette publique


Georges Grosz Brigands, 1921



La bohème par Nicolas Jaar

Sans entrer dans les détails, on rappellera ici que les Etats ont accumulé les déficits publics et se retrouvent surendettés, d'abord pour s’être livrés à une concurrence fiscale qui a fait fondre les recettes provenant des grandes entreprises et des riches,  puis pour avoir sauvé les banques de la faillite, et enfin, plus récemment, parce que la récession provoquée par la crise financière de 2008 et des plans d’austérité visant à « rassurer les marchés » assèchent encore davantage les recettes fiscales, tandis que leurs dépenses publiques demeurent largement incompressibles ou tendent à augmenter.
En particulier, la charge des intérêts payés devient insupportable non seulement du fait de la croissance de ces dettes et de la récession, mais aussi parce que la dégradation de leur note par les agences fait monter les taux exigés par les marchés, en premier lieu par ces mêmes banques.
Comme aurait dit Keynes, qui n’avait rien d’un marxiste, au fond du trou, à un moment donné, il faut cesser de creuser, sans quoi on y crève.
 

Alors, qu’est-ce qu’on fait à partir de 2012 ? Continue-t-on dans le registre de la purge, qui en approfondissant le cercle vicieux de la récession, réduira davantage les recettes fiscales et rendra insupportables les dettes publiques ?
Doit-on pour cela démanteler irréversiblement ce qu’il y a peu on qualifiait de « modèle social européen » (« service public » et « protection sociale ») ?
Peut-on prendre le risque d’une fronde fiscale et d’une insurrection sociale (le sentiment d’injustice insupportable finit par donner la niaque) ?
 


Athènes sept. 2011 - Petros Giannakouris

N’est-il pas temps d’envisager d’autres solutions de financement des Etats que celle qui consiste pour chacun d’entre eux, dans son coin à émettre des titres aux conditions toujours plus prohibitives que veulent bien leur faire des marchés financiers internationaux ou les pompiers du système (FMI, BCE) ? N’est-il pas temps, pour reprendre cet affreux mot du jargon managérial ou journalistique, de « changer de logiciel » ?

Or, il ne me semble pas que le candidat du PS, crédité du plus fort pourcentage d’intentions de vote à l’élection présidentielle de mai 2012, ait pour l’heure sur ce point de la dette publique une ligne très différente de celle des candidats de droite. A gauche, seuls le Front de Gauche et EELV s’inscrivent dans la perspective d’une rupture avec l’évidence de devoir souffrir inutilement pour avoir « vécu au-dessus de nos moyens ». A l’extrême-droite aussi d’ailleurs, mais  sur le mode glaçant du nationalisme et de la haine (l’étranger comme bouc émissaire)... Ça a l’air de plaire. A bon entendeur salut !


Contre le discours dominant sur la dette publique par Geneviève Azam, Etienne Balibar, Thomas Coutrot, Dominique Méda, Yves Sintomer dans Le Monde du 13.01.12 


Voir aussi sur ce blog 




dimanche 8 janvier 2012

L’assistanat, « cancer de la société française » ?





La crise de Coline Serreau (1992)


S’il est un sujet clivant politiquement, c’est bien celui du chômage et des dépenses sociales qu’il entraîne dans nos sociétés développés.
A droite bien plus souvent qu’à gauche, on a une propension très forte à considérer que le chômage est volontaire et que les dépenses sociales incitent à l’inactivité. Les gens n’aimeraient pas le travail et seraient prêts à toutes les fraudes pour y échapper tout en gagnant de l’argent à ne rien faire. Pire, les assistés gagneraient plus que les travailleurs, ce qui a ferait de la France un « pays d’assistés».
C’est sur cet argument que  « l’animateur de la droite sociale » et deux fois ministre Laurent Wauquiez a proposé un plan choc de lutte contre « le cancer des assistés ».
Et s’il disait vrai ? Après tout, les salaires sont désormais si bas, qu’il y a peut-être un part de vérité dans tout ça.
Faux, avait répondu ses détracteurs, des cas existent mais ils sont rares.
Juste avant Noël, Le Canard Enchaîné a rendu compte des principales conclusions concernant le RSA (qui a remplacé le RMI) :

Ils sont 1,6 millions de fauchés qui renoncent à affronter les démarches pour le toucher. Soit par découragement, soit par manque d’information … soit par choix pour ne pas être stigmatisés, avec à la clé  5,3 milliards d’aides non distribuées en 2010 (7 milliards distribués l’an dernier).

L’étude  révèle en particulier que quatre personnes sur dix préfèrent «se débrouiller autrement» et que  près de 30% d'entre eux y renoncent «par principe», parce qu'ils n'ont «pas envie de dépendre de l'aide sociale ou de devoir quelque chose à l'Etat». 


Désolé ! le seul vrai cancer de la France ce n'est pas l'assistanat mais le chômage.


Le RSA à la peine Libération du 15/12/2011





Les sept péchés capitaux d'Antoine Roegiers