mardi 31 mai 2011

La crise écologique va changer la donne : Pas de solution sans réduction drastique des inégalités (3/3)





Les pauvres sont en général les premières victimes des désordres écologiques. Agir pour réduire les atteintes à l’environnement, c’est presque toujours d’abord agir pour le mieux-être des plus démunis.

Mais les mesures prises dans ce but renchérissent en général le prix des biens et services, ce qui paupérise davantage les plus pauvres.  Or, pour ce qui concerne par exemple le coût de l’énergie, ces mesures reviennent à faire supporter le plus lourdement son renchérissement aux populations qui sont le moins responsables des émissions de CO2.

A l’heure d’Internet et des séries télés, le mode de vie des pays riches est connu dans tous  les bidonvilles de la planète, par conséquent, seul un changement radical de ce mode de vie par le  renoncement à leurs gaspillages fantastiques, pourra permettre de convaincre une grande majorité des habitants de la planète des vertus de la sobriété.


C’est la raison pour laquelle, une action décidée pour surmonter la crise écologique ne peut être acceptée socialement politiquement, et ne peut se justifier moralement, que si elle va de pair avec une action tout aussi décidée et massive pour réduire le niveau des inégalités au sein de chacune de nos sociétés, comme à l’échelle de la planète.


Si nous tardons tant à agir en faveur de la conversion écologique de nos économies, ce n’est pas tant parce que nous ne savons pas quoi faire pour y parvenir, que parce qu’elle impose des mesures d’accompagnement redistributives de grande ampleur.


Bref, si la crise écologique ne tue pas nos sociétés, une issue qu’on ne saurait malheureusement absolument pas exclure à ce stade, elle a toutes les chances de les transformer en profondeur.

Source : Guillaume Duval
 Hors-série n° 89 Alternatives Economiques  3e trimestre 2011

La crise écologique va changer la donne : Gérer la décroissance démographique (2/3)

 


Toxic Somalia : L'autre piraterie de Paul Moreira

vendredi 27 mai 2011

« Après la gauche »



Avec Jean-Pierrre Bacri, Dominique Reymond, Yasmine Belmadi.



« Après la gauche » : Un titre qui sent le sapin... ou la renaissance. Que signifie être de gauche aujourd’hui ? 
Treize figures de la pensée politique contemporaine tentent de répondre à cette question dans le documentaire  
« Après la gauche » de Jérémy Forni, Geoffroy Fauquier et Gaël Bizien, diffusé ce dimanche 29 mai sur LCP.

jeudi 26 mai 2011

« Les indignés » de la Puerta del Sol





« Je ne suis pas antisystème, c’est le système qui est antimoi », « Vous sauvez les banques, vous volez les pauvres », « Politiques, c’est nous vos chefs, et nous sommes en train de vous virer ». « Vous ne nous représentez pas ». Quelques slogans que l’on peut lire sur la place de la Puerta del Sol

Depuis des mois, les sondages enregistrent le déclin du parti socialiste (PSOE) et les scrutins locaux de dimanche, première convocation aux urnes depuis le début  de la crise, se profilent comme un vote sanction pour le gouvernement Zapatero, menacé par une forte abstention.

Les 5 millions de chômeurs et le plan d’austérité imposé par Bruxelles sous la pression des marchés ont démobilisé les électeurs de gauche.
Libération du 21 et 22 Mai 2011


Selon le quotidien espagnol «El Pais», près de 15.000 personnes, venues de toute l'Espagne, sont réunies. Le mouvement est baptisé «15-M», en référence au 15 mai, jour du début de la contestation. (Juan Medina / Reuters)


Sur le campement, le désastre électoral de la gauche est le sujet du jour. « On s’est battu pour pouvoir voter, et voilà ce qu’ils font de notre démocratie. Un système où la gauche est chargée d’appliquer une politique de droite», s’indigne Joaquin, un retraité venu trois fois dans la semaine, qui monte son petit forum de discussions. « Tu votes, tu votes, toute ta vie... et qu’est-ce qui se passe ? Rien. Tu te bats pour que tes enfants aient un avenir meilleur, un diplôme, deux diplômes, et à la fin on te dit que le résultat est le même, le chômage ! » s’enflamme une blonde, la quarantaine, en robe fleurie et perche sur des sandales à talon vertigineux.
Libération du 24 Mai 2011



mardi 24 mai 2011

La crise écologique va changer la donne : Gérer la décroissance démographique (2/3)




L’accroissement de la pression exercée par l’homme sur l’environnement entretient un rapport étroit avec la hausse fantastique de la population mondiale intervenue ces dernières décennies : en l’espace de cinquante ans seulement, ce sont presque 4 milliards d’être humains supplémentaires qui se sont mis à tirer sur les ressources non renouvelables et les énergies fossiles, et à recracher force CO2 et autres déchets.

Malgré la transition démographique dans les pays du Sud, l’humanité devrait, sauf guerre ou catastrophe majeure, croître d’un peu moins de 7 milliards de personnes aujourd’hui à 9 milliards au milieu du siècle, dont une bonne partie naîtra en Afrique. 
La réponse à la crise écologique passera probablement en partie par la recherche d’une baisse de cette population, afin d’alléger la pression insupportable exercée aujourd’hui sur l’environnement.
En termes de politiques publiques, cette question de la démographie est l’une des plus complexes à aborder tant elle interfère profondément dans les choix les plus intimes des personnes et des couples.
Dans les pays en développement, les politiques publiques ont souvent cherché à limiter la croissance démographique afin de freiner les besoins d’infrastructures et les risques de fortes tensions sur le marché du travail.

Dans les pays développés, et en particulier en France, les politiques publiques ont, au contraire, toujours visé à favoriser la croissance démographique, garante notamment du poids politique et économique du pays vis-à-vis du reste du monde. C’est d’ailleurs une des raisons principales pour laquelle la décroissance démographique est très difficile à gérer : un pays dont la population décroît est un pays qui s’affaiblit par rapport aux autres dont la croissance démographique est plus dynamique.




De plus, les sociétés où la population décroît, sont plus difficiles à gérer. Les personnes âgées pèsent structurellement lourd car les transferts en argent ou en nature dont elles peuvent bénéficier diminuent (que ce soit par une assurance retraite, ou par une aide directe de leurs enfants). Par ailleurs, la valeur des patrimoines, notamment immobiliers, tend à décroître, faute d’acheteurs potentiels, ce qui tend à réduire les revenus que les personnes âgées peuvent tirer de leur épargne accumulée. 
Pour être vivables, ces sociétés doivent donc, beaucoup plus encore qu’aujourd’hui, reposer sur une mutualisation des ressources produites par les actifs et leur répartition via des mécanismes collectifs. Bref, ces sociétés doivent devenir beaucoup plus solidaires.

Ce n’est guère le chemin que nous avons pris jusqu’ici...
Pour obtenir la décroissance démographique, la politique de l’enfant unique conduite autoritairement en Chine peut difficilement servir de modèle. Les politiques publiques pour atteindre cet objectif restent donc largement à inventer.

 Il n’est toutefois pas exclu que la prise de conscience croissante de l’ampleur de la crise écologique et des difficultés qui attendent de ce fait nos descendants aboutisse à une diminution  relativement spontanée des naissances, les parents hésitant de plus en plus à prendre la responsabilité d’exposer leurs enfants à ces problèmes graves et prévisibles.

Source : Guillaume Duval
 Hors-série n° 89 Alternatives Economiques  3e trimestre 2011








samedi 21 mai 2011

La crise écologique va changer la donne : La démocratie en question (1/3)

Mitch Epstein Prix Pictet 2011



La crise écologique devrait chambouler nos sociétés dans nombre de domaines, notamment la démocratie, la famille et les inégalités.

La capacité de la démocratie parlementaire telle que nous la connaissons en Occident à faire face efficacement à ce genre de défi n’apparaît en effet pas évidente.

La plupart des mesures à prendre ont un caractère d’investissement : elles sont coûteuses dans l’immédiat en termes de dépenses publiques supplémentaires (au détriment d’autres priorités) et/ou de prélèvements nouveaux qui pèsent sur le niveau de vie des ménages, et elles ne rapporteront que bien plus tard, lorsque l’espèce humaine aura (peut-être) été sauvée du désastre.

Or, dans un système politique où les dirigeants sont soumis à de fréquentes échéances électorales, de telles mesures sont très difficiles à prendre, car elles sont inévitablement impopulaires dans un premier temps. D’où un risque structurel qu’elles ne soient pas prises ou, au mieux, toujours sur le mode du « trop peu, trop tard ».
Une solution pourrait consister à construire un consensus entre les principales forces démocratiques pour sortir ces questions du champ de la concurrence politique de court terme. Mais ce genre d’accord est toujours très problématique et instable.
Pour ne rien arranger, dans le jeu des forces qui pèsent inévitablement sur les décideurs politiques, le lobby des acteurs en place qui n’ont pas intérêt au changement est structurellement plus puissant que celui des acteurs émergents qui pourraient être gagnants dans le futur en cas de conversion écologique de l’économie[1].

[1] Ex. du lobby des majors du pétrole versus les nouveaux acteurs des énergies renouvelables


Nadav Kander Yangtze, The Long River - Prix Pictet 2009


Il en va de même pour les lobbies des victimes qui ont toujours plus de mal à se constituer et à se faire entendre que ceux des défenseurs du statu quo.

A cela s’ajoute enfin les effets redistributifs majeurs de conversion écologique des économies, de nature également à paralyser leur mise en œuvre dans un cadre démocratique.


Alors, que faire ? Mettre en place une « dictature bienveillante » à l’instar du gouvernement chinois qui planifie la transition écologique à coup de plans quinquennaux ?

Bien évidemment non, on ne voit pas pourquoi l’option autoritaire marcherait mieux pour l’environnement que pour l'économique et le social dans l'URSS du XXe siècle.

En l’absence de contre-pouvoirs et d’espaces de délibération démocratiques, il n’y aucune raison en effet que les dirigeants restent mus par le seul intérêt supérieur de l’humanité.

Mais, même si la voie démocratique l’emporte finalement sur la tentation totalitaire, une profonde refonte des institutions de la démocratie s’impose afin d’y inclure de nouveaux acteurs, de tenir compte de la temporalité particulières des questions écologiques et de la nécessité de donner toute sa place à une expertise scientifique aussi impartiale que possible.[1]



[1] Rappelons par exemple le rôle éminent joué par le Plan dans la reconstruction de l’économie française après la Seconde guerre mondiale


Source : Guillaume Duval in 
 Hors-série n° 89 Alternatives Economiques  3e trimestre 2011

vendredi 20 mai 2011

Marketing politique / Storytelling


 La conquête de Xavier Durringer

La capacité à structurer une vision politique non pas avec des arguments rationnels, mais en racontant des histoires, est devenue la clé de la conquête du pouvoir et de son exercice dans des sociétés hyper-médiatisées, parcourues par des flux continuels de rumeurs, de fausses nouvelles, de manipulations. 
Ce n'est plus la pertinence qui donne à la parole publique son efficacité, mais la plausibilité, la capacité à emporter l'adhésion, à séduire, à tromper (comme le fameux slogan "Travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle française de 2007).
Le succès d'une candidature ne dépend plus de la cohérence d'un programme économique et de la pertinence des solutions proposées, ni même d'une vision lucide des enjeux géostratégiques ou écologiques, mais de la capacité à mobiliser en sa faveur des grands courants d'audience et d'adhésion... 
Si l'art du roman constituait une forme d'énonciation paradoxale de la vérité qu'Aragon définissait comme un "mentir vrai", les spin doctors pratiquent le story telling comme un art de la tromperie absolue, un "mentir faux" si l'on peut dire, une forme nouvelle de désinformation.

jeudi 19 mai 2011

L’opposition orpheline de son champion ou l'immaturité en politique



L’arrestation de DSK sous toutes ses coutures ce matin dans la revue de presse de France Inter. Sur ses conséquences politiques, à lire les journalistes (et à nous entendre), le problème essentiel serait l’absence d’un aussi bon candidat d’opposition pour les élections présidentielles.

Comme si notre avenir dépendait d’un seul homme (ou d’une seule femme bien évidemment), comme si les français avaient besoin d’un « Führer » (ou d’un « Duce » pour ceux qui préfèrent l’Italie).
M’enfin, c’est quoi cette conception immature de la politique qui voudrait qu’on ait besoin d’un "papa" (ou d’une "maman") qui guide le pays.
Je me fous de qui sera le candidat à la président de la république en 2012 (Van Rompuy à la présidence et Lady Ashton aux affaires étrangères de l'UE donnent toutefois une idée des limites de l’inacceptable à ne pas franchir)
L’important, n’est-il pas le projet et les équipes qui le conduisent dans nos différentes institutions politiques ?
Oui, je sais. Notre constitution donne un pouvoir sans pareil au président, mais d’ailleurs, pourquoi ne pas prévoir dans le projet une réforme constitutionnelle qui réduirait le pouvoir du monarque ?

 

mardi 17 mai 2011

Voir la vie sociale par le côté gauche!






[...] Rien n’est plus faux que d’opposer l’individu à la société, parce que la société est composée d’individus, parce qu’on n’imagine même pas ce que peut-être un individu hors du social. Cette opposition est d’autant moins acceptable que nous savons maintenant qu’il n’y a pas d’autre manière d’imaginer une bonne société et une bonne politique que de dire qu’elles sont bonnes pour les individus. Ainsi, il nous faut donner des droits, aux communautés parce que les individus en ont besoin, mais il nous faut aussi être capable de défendre chaque individu contre l’autorité de sa communauté, de son groupe ou de son entreprise. Au moment où la droite française semble irrésistiblement attirée par un communautarisme national autoritaire, anti-individualiste, la gauche devrait se défaire de ses vieilles préventions contre l’individu. Quand on y réfléchit bien, la priorité individualiste conduit plutôt à voir la vie sociale par le côté gauche, celui des impératifs de justice, d’égalité et de solidarité, celui d’un Etat capable de garantir ces conditions tout en ne se mêlant que de ce qui le regarde.


Voir la vie sociale par le côté gauche François Dubet 

lundi 16 mai 2011

Epilogue DSK : C’est pas du jeu !



Non ! Pas ça ! 
DSK OUT pour une accusation de tentative de viol d’une femme de chambre ? Je n’y crois pas. C'est pas du jeu. Comme d’habitude, le débat d'idées n’aura pas eu lieu.
Si les faits sont avérés, France-Inter va devoir réembaucher Stéphane Guillon. 



Stéphane Guillon à propos de Dominique Strauss-Kahn sur France Inter

Sur ce sujet,  lire aussi le billet savoureux de La Meuf sur le blog c'est la gêne 

1981-2011 - C'était mieux après

dimanche 15 mai 2011

2012, l'heure hash







Europe Ecologie-les Verts est pour une légalisation, Nicolas Hulot penchant pour une simple dépénalisation (pas de prison pour l’usage), alors que Eva Joly est sur la ligne Gatignon. Au PS, Strauss-Kahn a reconnu dans une bio qu’il a fumé des joints, mais prendra-t-il position ? Pas sûr. Les socialistes ont peur d’être traités de «gauche pétard», et leur projet pour 2012 élude la question. Favorable à un marché régulé, Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, mène un débat interne au PS, dont il doit rendre les conclusions fin mai. Pas sûr que ça fasse avancer le schmilblick.
La droite, elle, est bloquée en mode ultra-répressif. Pourtant, en 2003, Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, proposait de remplacer la peine d’un an de prison pour usage par une contravention. Il a depuis tourné casaque. Néanmoins c’est à la droite qu’on doit deux grandes avancées sur les drogues (en 1987, la vente libre de seringues en pharmacie et, en 1994, l’autorisation des traitements de substitution).
Paralysés par la peur du tabou, les politiques en restent à un argument moralisateur : les drogues, c’est mal, il faut les interdire. Que cela ne serve à rien ne les chagrine pas.


Voir aussi les arguments du très libéral The Economist dans Légaliser : la moins mauvaise des solutions, article traduit dans Courrier International du 30/4/2009

Peine Capital



Alex Beaupain Au départ

«Le secteur bancaire s’est écroulé, l’Etat s’est porté à son secours et est tombé à sa suite. La banque a alors grimpé sur les épaules de l’Etat, ce qui lui a permis de sortir du trou. L’Etat, lui, y est resté», conclut Jorion.
Alors que faire ? «D’abord, jeter un regard en arrière et remettre le processus à plat». Ensuite, tout faire pour mettre en pratique quatre principes : «Ne pas imposer le travail, qui constitue sans conteste l’activité humaine la plus utile et la plus digne d’être encouragée» ; «imposer substantiellement les revenus du capital (dont les stock-options)» ; «imposer de manière dissuasive les gains du jeu, y compris les opérations financières». Enfin «éliminer les rentes de situation». Si ce n’est pas une révolution, cela y ressemble.

mardi 10 mai 2011

Obsessions présidentielles


Paparazzi in Frederico Fellini La dolce vita (1960)

Oubliant malencontreusement un conditionnel, Jean-Pierre Chevènement annonce prématurément sa candidature à l’élection présidentielle. Oubliant que le scrutin élyséen n’est pas destiné à servir de tribune à toutes les causes, Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) proclame son intention d’être candidat. Côté socialiste, Dominique Strauss-Kahn laisse de plus en plus la bride sur le cou à ses partisans tandis que Martine Aubry confie à ses proches qu’elle s’effacera devant le managing director du FMI (tout en démentant pour l’heure).
L’élection présidentielle pollue plus que jamais le débat public. Les jeux politiciens occultent les enjeux de fond. Et les médias en portent une part de responsabilité.

La semaine d’Eric Dupin dans Libération du 7 et 8/5/2011


lundi 9 mai 2011

Vous êtes de droite ou de gauche ? Tout est dans le cortex



Ceux qui se disent progressistes ont tendance à avoir un cortex cingulaire antérieur plus développé  (c'est la partie frontale du cortex dont les fibres relaient les signaux neuronaux entre les hémisphères cérébraux droit et gauche) que les personnes se considérant conservatrices, expliquent les auteurs de ces travaux parus dans la revue Current Biology [...]

Ces différences structurelles correspondent au fait que les progressistes ont de plus grandes facilités à gérer des informations contradictoires et les conservateurs à percevoir une menace, précisent les auteurs de l'étude.[...]




Le peuple cherche sa gauche



L'expression est d'autant plus vague que la gauche, elle non plus, n'a jamais constitué un corps homogène : « Au XIXe siècle, on se dit "républicain", ou "démocrate", pas "de gauche", rappelle l'historien Gilles Candar. Cette expression, d'origine parlementaire et pas du tout populaire, n'entre dans le vocabulaire qu'au début du XXe siècle. »
Quant au vivier électoral de gauche, il change avec le temps et le paysage politique. On peut appartenir à la gauche avec Thiers en 1830, avec les insurgés de 1848, ou avec Georges Marchais en 1981 (les 15 % obtenus par le candidat communiste au premier tour - contre 20 % aux législatives de 1978 - marquant le début d'une vertigineuse ­dégringolade).
Mais pour qu'il y ait victoire, il faut que la rencontre de grandes luttes et d'un discours politique permettent à « la gauche », ce matériau composite, de «coaguler ». Ce fut le cas en 1924 avec le Cartel des gauches, en 1936 sous le Front populaire, ou en 1981. [...]

1984 : échec cinglant du PS aux municipales. 
Législatives de 1986 : la faucheuse repasse et envoie la gauche dans l'opposition. 
1988 : Mitterrand, prudent, préfère en appeler, sur ses affiches, à « La France unie » plutôt qu'au peuple de gauche... qui le lâche aux législatives suivantes, pour une nouvelle cohabitation. 
En fait, le PS ne tient pas ses troupes, notamment ses ouvriers : en 1988, Mitterrand reste encore majoritaire chez eux, mais le pourcentage de cols bleus votant à gauche est divisé par deux en 1995, puis en 2002. Un ouvrier sur trois a voté Le Pen à la présidentielle de 1995, et un sur... huit pour Jospin en 2002 !
« Souvenez-vous des ouvriers de Mazamet, qui, dans les premières années du XXe siècle, défilaient sous des drapeaux rouges pour défendre leurs intérêts mais votaient conservateur, voire réactionnaire, aux élections, malgré les appels du pied de Jaurès. Ce n'est pas parce qu'on vient du peuple que l'on vote à gauche, et la droite, elle aussi, a su mobiliser quand il le fallait : il n'y avait pas que des gens fortunés dans la gigantesque manifestation pour la défense de l'école libre, en 1984. Il est vrai qu'on disait alors "la foule"... »