mercredi 18 janvier 2012

L’impuissance en politique : le cas de la taxe sur les transactions financières


Des indignés à la City de Londres en novembre 2011 - Photo : Ben Stansall




Zapping sur la télé hier soir. Sur Arte, la conclusion d’un débat sur l’avenir de l’euro : la monnaie unique sera sauvée si et seulement si les 17 Etats inscrivent dans leur constitution « la règle d’or » et se mettent à rembourser leurs dettes en réduisant leurs dépenses et en augmentant leurs rentrées fiscales. Suit un documentaire sur l’effarante course à l’armement atomique des Etats-Unis et de l’URSS durant la guerre froide. Chez Taddéi, un débat sur l’Europe, Marie France Garaud, épatante, n’est pas d’accord avec Jacques Attali. Souverainiste, sur la question de la dette publique, elle répète deux fois qu’on ne pourra jamais la rembourser. Pour lui, on n’a pas le choix, il faut tenter de sauver l’euro et rembourser la dette au moins pour trois raisons : on aurait tous un peu de cette dette par exemple dans nos placements d’assurance-vie (personnellement je n’en ai pas), s’il y a défaut, on ne pourra même plus payer les fonctionnaires dans les prochains mois, et le scénario de l’Argentine dont les habitants auraient perdu 30 % de leur pouvoir d’achat, ne manquera pas de nous tomber dessus. Selon Attali, la seule question qui se pose, c’est : « qui va payer ? ».

Marie France Garaud est d’une génération qui a connu de près une certaine grandeur de l’Etat et du politique, à une époque où il n’était pas complètement ridicule d’évoquer « la grandeur de la France ». Dans son dernier essai, elle analyse l’impuissance actuelle des gouvernants à défendre leur peuple pour avoir accepté, par conviction ou facilité, de se dessaisir de leurs principaux leviers d’action, et la défiance générale des peuples occidentaux à leur égard (en particulier en France) qui s’est installée.


A l’heure où tous les gouvernements cherchent du pognon pour faire face à leur surendettement, le projet toujours remis à plus tard d’instauration d’une taxe sur les transactions financières, qui n’est plus pour grand monde une utopie, constitue un bon exemple de cette impuissance par l’inadéquation des modalités de « gouvernance » d'une économie globalisée.



Avec cet art de la récupération dont le marketing et la publicité sont depuis longtemps maîtres, Sarkozy a annoncé dans la foulée de la TVA sociale, une mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF), avant la fin de son mandat, sans attendre l’avancée de ce projet qui est sur la table de la Commission européenne.
Pourtant, comme il l’affirmait avec force en 1999, c’est typiquement le genre d’initiative qu’on ne peut prendre qu’avec un nombre significatif de pays sous peine de plus y perdre que d’y gagner, notamment en termes de points de PIB et d’emplois, puisque partout la finance de marchés est une « industrie » dont le poids est devenu non négligeable (et on n’évoquera même pas ici les paradis fiscaux que l’Europe nourrit en son sein).
Sans surprise, le lobby de la finance parisienne a donc protesté. Les autres pays et la Commission de même (« ça devrait se décanter durant 2012 »). Sauf qu’en l’état de nos traités européens, cette question pour aboutir doit réunir l’accord à l’unanimité des 27, à défaut des 17 de la zone euro.
La TTF est ainsi condamnée d’avance au niveau de toute l’UE : outre le Royaume-Uni dont la City est la principale activité, la Suède s’y oppose. Au sein même des Dix-Sept, rien n’est joué : les très libéraux Pays-Bas y sont hostiles, et l’Irlande a conditionné son accord à celui de Londres…

Alors ? Le gouvernement Sarkozy a-t-il eu raison d’annoncer que la France «n’attendra[it] pas que tous les autres soient d’accord» pour instaurer cette taxe et de «donner ainsi l’exemple » ?
Face à de telles impasses, de rage, on finit par se demander si ce coup de force n’est pas préférable à l’inhibition. C’est d’ailleurs le fond de commerce des populistes : à un moment donné l’électeur qui n’a rien à perdre peut préférer le risque du bordel et du pire, à rien.



Louise-Michel de Benoît Delepine et Gustave Kervern

Alors on a envie de dire : « Chiche ! » La situation économique n’a jamais rendu aussi nécessaire et possible une telle taxe.
Si la taxe sur les transactions financières était mise en œuvre avec succès, elle pourrait toujours faire des émules. Et si le projet était abandonné ou vidé de sa substance par un taux ridicule sur un nombre d’opérations limité (ce qui est l’hypothèse la plus probable), on ne comprendrait pas que le candidat PS n’en fasse pas un volet essentiel de sa politique fiscale et diplomatique.



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