lundi 28 novembre 2011

L’écologie politique est-elle soluble dans la campagne présidentielle ?


Tous au Larzac de Christian Rouaud





Yves Frémion, écrivain, journaliste, critique de BD et député européen vert, qui a publié en 2007 une «Histoire de la révolution écologiste», distingue défense de l'environnement et écologie politique dans une entrevue accordée au journal Libération :

L'écologie politique, c'est une globalité, une pensée qui articule une révolution de la société autour d'un certain nombre d'axes : la protection de l'environnement et la sauvegarde de la nature ; la solidarité sociale ; la citoyenneté et la démocratie ; dans une perspective qui suppose des rapports Nord-Sud différents. Un combat pour l'environnement est toujours un combat social et citoyen, et inversement.
Les «environnementalistes» sont des écologistes inachevés, il leur manque une dimension. Nicolas Hulot est un environnementaliste. Il est sincère, mais il s'est fourvoyé ; il a planté les Verts à l'élection présidentielle. Il a laissé croire que des problèmes planétaires n'étaient pas politiques et pouvaient être réglés avec cinq mesures prises par n'importe quel candidat. Cela dit, il a fait avancer la prise de conscience environnementale. (...)

Le 21 novembre, FR3 a diffusé un excellent documentaire qui retrace la genèse de l’écologie politique en France.

« La saga des écolos » d’Alice Le Roy et de Valérie Manns  montre bien comment un mouvement spontané, animé par des contestataires profondément hostiles à la politique et méfiants à l'égard des partis, s’est enraciné dans le paysage politique français pour devenir une force politique incontournable, au point de se voir offrir un poste au sein de gouvernements socialistes (Brice Lalonde puis Dominique Voynet).


Mitch Epstein centrale à charbon - Ohio 2003

« Si les préoccupations environnementales font désormais partie de notre quotidien, écrit Vincent Arquillère de Télérama, les écologistes français passaient il y a encore quarante ans pour de gentils illuminés opposés au merveilleux progrès. Comme le montrent les archives de ce documentaire, ils étaient juste en avance sur leur temps  (...)

D'échecs en rebonds, les Verts (au sens large) ont fini par passer à l'âge adulte... même s'ils ressemblent encore parfois à un adolescent turbulent. »



Pourtant, bien qu’une conscience « environnementaliste » émerge dans l’opinion, ses implications politiques peinent à entrer dans les têtes. Et ce n’est probablement pas avec l’élection présidentielle que les Verts obtiendront un score à la hauteur de l’enjeu écologique, surtout après le traumatisme d’avril 2002.

Vu que le Parti de Gauche et peut-être aussi ce vieux con orgueilleux de Chevènement qui pourtant avait su me séduire en pleine campagne anti-Maastricht (j’avais adhéré à son MDC), réduiront le score du candidat de gauche pouvant se retrouver au second tour, Cohn-Bendit avait sans doute raison d’être sceptique sur le bien-fondé d’une candidature écologiste.

En effet, Europe Écologie-Les Verts feront sans doute un très mauvais résultat, a fortiori si se confirme dans les sondages le score de la fille Le Pen : le vote utile pour l’ex de Royal s’imposera à tous ceux pour qui l’UMP doit vite passer la main.



EE-Les Verts et le PS viennent de conclure un accord électoral officiel, c’est bien, mais j’aurais tellement préféré qu’Eva Joly fasse partie des candidats à une primaire EE-Les Verts-PS, afin de pouvoir voter pour elle : députée européenne polyglotte, très active au Parlement européen, franco-norvégienne tellement bien intégrée en France qu’elle a occupé avec opiniâtreté un poste de juge d’instruction au pôle financier du palais de justice de Paris, lui donnant toute légitimité pour pourfendre régulièrement paradis fiscaux et omnipotence de la finance, bref, la meilleure candidate pour les temps présents.

 Les usuriers de Quentin Metsys (1465-1530) à la Galleria Doria Pamphili
 
Une des pierres d’achoppement de cet accord fut naturellement la question du nucléaire, ce vieux combat écolo (Mon plus vieux souvenir de contestation « écolo » remonte aux manifestations contre la construction d’un Super générateur à Creys-Malville en 1977.  J’avais 15 ans).

On peut également comprendre qu’il en fut ainsi, tant du point de vue des écologistes (rendus plus forts de la catastrophe de Fukushima - Tchernobyl, c’était « la faute au communisme »), que du point de vue du candidat PS à la présidence de la République défendant une de nos toutes dernières industries, en période de flambée du chômage.



Sur ce, a suivi la mauvaise polémique qu’a provoqué l’entrevue d’Eva Joly par le patibulaire Apathie... 




L’euro : le problème ?... Ou les marchés ?



« Si tu penses que quelque chose de petit ne peut pas changer le cours de l’histoire, alors tu n’as jamais passé une nuit avec un moustique »



Dans l’US magazine[1] de novembre, il est beaucoup question de la crise des dettes publiques de la zone euro, de l’euro et des marchés financiers.
Notamment un débat « L’euro : le problème ? » entre Jacques Sapir directeur d’études à l’EHESS-Paris et Thomas Coutrot, coprésident d’ATTAC et membre du conseil scientifique.
Si Jacques Sapir ne manquent pas d’arguments pour appeler à « une dissolution ordonnée et coordonnée de la zone euro, comme la meilleure solution de sortie de crise », Thomas Coutrot souligne qu’elle radicaliserait la concurrence et aggraverait « la logique non coopérative déjà dominante, en lui ouvrant un nouvel espace, celui de la guerre monétaire », « un discours du chacun pour soi qui profiterait aux forces nationalistes les plus réactionnaires, les plus autoritaires. »


[1] Publication du SNES, principal syndicat d’enseignants



 
Quant à Emmanuel Todd, dans une entrevue, il rappelle que « les riches adorent la dette »... Extrait :

Les discours moralisateurs et culpabilisateurs vont atteindre leur limite. La dette publique est un instrument qui permet aux riches de s’enrichir encore plus. Les riches adorent la dette publique ! L’étape ultime du débat arrivera quand l’opinion publique comprendra que l’existence même de la dette est le résultat d’une escroquerie. Elle a été créée presque consciemment comme un mécanisme de sécurisation de l’argent des riches et des puissants - oligarques américains et européens, rentiers du pétrole et communistes chinois fraternellement mêlés - et d’exploitation des populations. Tout va changer quand les gens vont comprendre que l’impôt prélevé chaque année sur les citoyens sert à financer des gens qui ont déjà trop d’argent ou de pouvoir, les détenteurs de la dette. La dette est illégitime. [...]


La refondation de la démocratie pourrait commencer par une répudiation de la dette ou, plus doucement, par sa monétisation, l’Etat, à nouveau démocratique, retrouvant le droit de créer de la monnaie dans l’intérêt général.





Liêm Hoang-Ngoc, économiste et député européen PS




samedi 12 novembre 2011

Merci les banquiers

Journal d’un économiste en crise par Oncle Bernard - Charliehebdo  du 9/11/11



Martin Parr Luxury 2009




C’est quoi « les marchés » ? Des banques, des fonds d’investissement, des assureurs : des gens qui placent de l’épargne. Des placiers. Autrefois, on pouvait placer directement son épargne : acheter du grand emprunt EDF ou SNCF. C’est fini. Giscard, puis Barre, puis les autres ont obligé les épargnants à passer par des intermédiaires, lesquels, évidemment, ont fait leur beurre au passage. Giscard a interdit  la Banque de France d’acheter les dettes du Trésor (de faire marcher la planche à billets, qui soulagerait bien le budget de l’Etat). Puis la Banque de France est devenue indépendante (Pasqua), puis soumise à la BCE (Jospin). La monnaie, bien public, a été définitivement privatisée.

Et puis les banquiers ont fait leur travail, qui consiste à pousser les gens à s’endetter pour leur prélever des intérêts. Après avoir réussi à faire s’endetter les ménages, ils ont réussi à faire s’endetter les Etats, et on en est là.

Un pays qui croît à 1% ne peut pas rembourser 4%, ou 5%, ou plus par an. C’est mathématique. Si votre revenu croît de 1% par an, vous ne pouvez jamais, jamais rembourser. Jamais. C’est pourquoi la Grèce ne pourra pas rembourser, mais la France non plus, ne rêvez pas. Ou alors, elle s’y ruinera. Elle y laissera la peau.
LA SUITE ICI


Mines d'or de Serra Pelada (1986) par Sebastiao Salgado

vendredi 11 novembre 2011

Les voies du socialisme latino-américain

William I. Robinson dans le dossier du Monde Diplomatique de ce mois-ci « Peut-on changer le monde ? »

Sameer Kermali Photoquai 2011


Et maintenant, le Pérou ? Constituée en laboratoire du néolibéralisme à partir du milieu des années 1970, l’Amérique latine a changé de visage. Depuis une dizaine d’années, une grande partie de la région est « passée à gauche », un phénomène souvent décrit comme une vague (lire « D’élections en réélections »). Or voici que la lame emporte un nouveau bastion de la droite. Le soir de l’élection présidentielle péruvienne de juin 2011, le candidat victorieux — M. Ollanta Humala, un homme de gauche — proclamait : « Plus jamais le gouvernement ne servira les intérêts de l’élite qui vend les richesses minières du Pérou à des multinationales. Tout cela doit changer. » Rupture ? Dans le même discours, M. Humala promettait, tout aussi fermement, de ne pas toucher au modèle économique péruvien.

Si une vague progressiste a bien déferlé sur l’Amérique latine, elle se voit communément qualifiée de « rose-rouge », tant diffèrent les courants qui la traversent. A tel point que certains des gouvernements de la région, qui avaient façonné des majorités électorales en mobilisant les classes populaires, sont désormais confrontés à une double menace : d’une part, la résurgence de la droite (dans les urnes, comme au Chili en 2010, ou par la force, comme au Honduras en 2009) ; de l’autre, des mouvements de protestation alimentés par les espoirs frustrés d’une partie de la population. Deux facteurs qui, combinés, révèlent certaines des limites internes et externes des processus politiques en Amérique latine. [...]


Alors que, entre 1988 et 2003, 90 milliards de dollars de biens publics ont été bradés par les Etats d’Amérique latine, la « vague rose-rouge » interrompt les privatisations. Les dépenses publiques augmentent - leur montant par habitant triple au Venezuela en 1999 et 2008 - et des programmes sociaux ambitieux voient le jour ou bénéficient de plus de moyens : « plan d’urgence sociale » en Uruguay, « bourse familiale » au Brésil, « assignation universelle par enfant » en Argentine, etc. Partout, les droits des travailleurs sont mieux défendus, le salaire minimum augmente, cependant que les budgets consacrés au logement et à l’éducation gonflent ; l’analphabétisme régresse dans toute la région. Tandis que, en dépit de manifestations massives, la France imposait à la population un recul de l’âge de la retraite, la Bolivie le faisait passer de 65 à 58 ans. Autre exemple : au Brésil, la part des salaires dans la valeur ajoutée a augmenté de 3.6 % entre 1999 et 2009, pour atteindre 43.6 %. Pendant la même période, elle a régressé dans la plupart des autres pays de la planète. Les progrés sont donc incontestables.



De telles politiques expliquent sans doute la popularité dont continuent à jouir dans leur ensemble les gouvernements issus de la gauche latino-américaine. Mais avant même d’être fragilisées par la crise et le réveil des droites, ces politiques suffisaient-elles vraiment à répondre aux attentes des classes populaires ?

 Photo : Marcos Lopez

Les gouvernements progressistes ont certes redirigé vers les populations les plus défavorisées une partie des revenus générés par les exportations de matières premières. [...]

Il n’en reste pas moins que, en dépit de certains discours, les bouleversements significatifs du système inégalitaire de redistribution des richesses s’avèrent d’autant plus rares que les réformes fiscales sont timides. [...]

Comme d’autres pays classés à gauche, le Brésil n’a pas véritablement opéré de transformation structurelle susceptible d’éradiquer les causes de la pauvreté et des inégalités : l’amélioration des conditions de vie y demeure d’autant plus fragile qu’elle repose sur des programmes gouvernementaux qui pourraient être suspendus - voire supprimés -, à la suite d’une alternance gouvernementale ou d’un plan d’austérité « imposé par une récession économique... [...]



Les réformes ont été plus profondes au Venezuela, où elles se sont inscrites dans un projet ambitieux de transformation de l’Etat, de remise en cause de la notion de propriété privée et de renforcement de la participation populaire au sein du système démocratique. [...]
Ces gouvernements - dénoncés comme « radicaux » par les observateurs modérés et libéraux - ont conquis le pouvoir à la suite d’élections qui les ont placés à la tête d’Etats corrompus, clientélistes, bureaucratiques et oligarchiques. Scrutin après scrutin, une rupture semble s’être produite : la plus grande menace qui pèse sur ces pays provient moins de la droite que de l’ « intérieur » du bloc au pouvoir.

Prébendes, népotisme, baronnies : lorsque les cadres compétents manquent, les « entrepreneurs de la révolution » prennent parfois le dessus. Eux s’avèrent moins enclins à transformer une situation qui les promeut au rang de nouvelle classe privilégiée. Et puis, à mesure que son niveau de vie progresse, une partie de la population envisage différemment l’urgence de la transformation sociale. [...]


L'exercice de l'Etat de Pierre Schoeller




vendredi 4 novembre 2011

Une devise pour la gauche ?



Comme j'interrogeai Paulo sur ce qu’il répondrait à un jeune qui lui demande ce que signifie qu’être de gauche aujourd’hui, il répondit :



-          Peut-être peut-on partir de la devise de notre pays. Liberté - Egalité - Fraternité. « Liberté » la valeur première parmi toutes pour la droite. « Egalité », l’idée communiste. Reste alors pour la gauche de gouvernement, euh... la fraternité (éclat de rire)

-          le "care"[1] ! ai-je rigolé à mon tour.

-          Martiiiine ! Avons-nous tous les trois hurlé dans un même élan pour finir dans un grand éclat de rire commun. (Cet accès d’hystérie s’expliquant sans doute par le sujet de conversation précédent où nous avions partagé notre ras le bol de toujours voter sans enthousiasme « contre », la plupart du temps pour soutenir un « looser »)



Sur ce, notre « sociologue » nous a donné quelques clés sur l’origine du « care », concept que l’on doit à des intellectuelles féministes américaines où, contre toute attente, il fut question du beau métier d’hôtesse de l'air (...)



Trois jours plus tard, Martine avait cédé la place à Flamby et une chroniqueuse du Monde regrettait que Martine Aubry n'eût pas osé évoquer une société du "Care" durant la campagne des primaires socialistes...



[1] Prononcer [ker]