samedi 21 mai 2011

La crise écologique va changer la donne : La démocratie en question (1/3)

Mitch Epstein Prix Pictet 2011



La crise écologique devrait chambouler nos sociétés dans nombre de domaines, notamment la démocratie, la famille et les inégalités.

La capacité de la démocratie parlementaire telle que nous la connaissons en Occident à faire face efficacement à ce genre de défi n’apparaît en effet pas évidente.

La plupart des mesures à prendre ont un caractère d’investissement : elles sont coûteuses dans l’immédiat en termes de dépenses publiques supplémentaires (au détriment d’autres priorités) et/ou de prélèvements nouveaux qui pèsent sur le niveau de vie des ménages, et elles ne rapporteront que bien plus tard, lorsque l’espèce humaine aura (peut-être) été sauvée du désastre.

Or, dans un système politique où les dirigeants sont soumis à de fréquentes échéances électorales, de telles mesures sont très difficiles à prendre, car elles sont inévitablement impopulaires dans un premier temps. D’où un risque structurel qu’elles ne soient pas prises ou, au mieux, toujours sur le mode du « trop peu, trop tard ».
Une solution pourrait consister à construire un consensus entre les principales forces démocratiques pour sortir ces questions du champ de la concurrence politique de court terme. Mais ce genre d’accord est toujours très problématique et instable.
Pour ne rien arranger, dans le jeu des forces qui pèsent inévitablement sur les décideurs politiques, le lobby des acteurs en place qui n’ont pas intérêt au changement est structurellement plus puissant que celui des acteurs émergents qui pourraient être gagnants dans le futur en cas de conversion écologique de l’économie[1].

[1] Ex. du lobby des majors du pétrole versus les nouveaux acteurs des énergies renouvelables


Nadav Kander Yangtze, The Long River - Prix Pictet 2009


Il en va de même pour les lobbies des victimes qui ont toujours plus de mal à se constituer et à se faire entendre que ceux des défenseurs du statu quo.

A cela s’ajoute enfin les effets redistributifs majeurs de conversion écologique des économies, de nature également à paralyser leur mise en œuvre dans un cadre démocratique.


Alors, que faire ? Mettre en place une « dictature bienveillante » à l’instar du gouvernement chinois qui planifie la transition écologique à coup de plans quinquennaux ?

Bien évidemment non, on ne voit pas pourquoi l’option autoritaire marcherait mieux pour l’environnement que pour l'économique et le social dans l'URSS du XXe siècle.

En l’absence de contre-pouvoirs et d’espaces de délibération démocratiques, il n’y aucune raison en effet que les dirigeants restent mus par le seul intérêt supérieur de l’humanité.

Mais, même si la voie démocratique l’emporte finalement sur la tentation totalitaire, une profonde refonte des institutions de la démocratie s’impose afin d’y inclure de nouveaux acteurs, de tenir compte de la temporalité particulières des questions écologiques et de la nécessité de donner toute sa place à une expertise scientifique aussi impartiale que possible.[1]



[1] Rappelons par exemple le rôle éminent joué par le Plan dans la reconstruction de l’économie française après la Seconde guerre mondiale


Source : Guillaume Duval in 
 Hors-série n° 89 Alternatives Economiques  3e trimestre 2011

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