vendredi 24 juin 2011

La France d’après selon Houellebecq


Martin Parr - Small world - Las Vegas 2000


La France, pour la première fois depuis les années 1900 ou 1910, était redevenue une destination privilégiée du tourisme sexuel. De nouvelles professions, aussi, avaient fait leur apparition - ou, plutôt, d’anciennes professions avaient été remises au goût du jour, telles que la ferronnerie d’art, la dinanderie ; on avait vu reparaître les hortillonnages. A Jabreilles-les-Bordes, un village distant de cinq kilomètres de celui de Jed, s’était réinstallé un maréchal-ferrant - la Creuse, avec son réseau de sentiers bien entretenus, ses forêts, ses clairières, se prêtait admirablement aux promenades équestres.


Plus généralement, la France, sur le plan économique, se portait bien. Devenue un pays surtout agricole et touristique, elle avait montré une robustesse remarquable lors des différentes crises qui s’étaient succédé, à peu près sans interruption, au cours des vingt dernières années. Ces crises avaient été d’une violence croissante, d’une imprévisibilité burlesque - burlesque tout du moins du point de vue d’un Dieu moqueur, qui se serait amusé sans retenue de convulsions financières plongeant subitement dans l’opulence, puis dans la famine, des entités de la taille de l’Indonésie, de la Russie ou du Brésil : des populations de centaines de millions d’hommes. 
N’ayant guère à vendre que des hôtels de charme, des parfums et des rillettes - ce qu’on appelle un art de vivre-, la France avait résisté sans difficultés à ces aléas. D’une année sur l’autre la nationalité des clients changeait, et voilà tout.


La carte et le territoire de Michel Houellebecq



Patrick Artus à Libération (14/12/2009)




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