lundi 16 janvier 2012

Le financement de la Sécu et l’emploi : pour ou contre la TVA "sociale » ?





Il a déjà été évoqué ici le problème que pose notre mode principal de financement de la protection sociale sous la forme de cotisations sociales salariales et patronales qui représentent pour un emploi non subventionné entre 1.7 fois à 2 fois le salaire net versé au salarié.
Pour les emplois de secteurs exposés à la concurrence internationale, notre coût du travail ne serait pas significativement plus élevé que celui de nos principaux partenaires commerciaux , lequel ne pose pas de problème tant que la valeur créée et la productivité du travail sont fortes et que la spécialisation internationale autorise une compétitivité qui ne passe pas exclusivement par les prix et donc les coûts.
Pour autant, on sait désormais que l’industrie française a perdu 600 000 emplois en 10 ans (depuis 2000) et près de 40 % de ses effectifs en trente ans.
Pour les secteurs protégés de la concurrence internationale et notamment pour les petites entreprises, c’est une autre affaire. On a tous autour de nous une proche ou une relation qui a fait ses calculs en vue d’embaucher quelqu’un et à qui, après être passé par la case Sécu et Impôt, le tableau Excel a dit qu’il ne gagnait pas assez pour le faire.
Ce mode de financement de notre protection sociale a abouti à une substitution généralisée du capital au travail, autrement dit, on a remplacé des emplois par des machines, partout, dans l’industrie, dans l’agriculture, dans les services, y compris publics, au détriment de l’emploi.

Ce constat ancien a conduit les pouvoirs publics à fiscaliser partiellement le financement de la sécurité sociale, d’abord avec la CSG voulu par Michel Rocard puis par la CRDS de Juppé, dont les taux n’ont cessé d’être réévalués par les gouvernements de gauche comme de droite.
La CSG était une (petite) révolution, celle de mettre à contribution les revenus du capital et les rentes des retraités, introduisant ainsi un financement plus juste et à fort rendement. Ainsi, aujourd’hui la CSG rapporte bien plus que l’impôt sur le revenu grâce à son assiette très large pour représenter en 2009, 28 % des recettes du régime général de la Sécurité Sociale.







Le Havre d'Aki Kaurismaki



C’est en partie une même problématique qu’est né le projet de «TVA sociale », sur l’exemple notamment du Danemark qui dès la fin des années 80, substituait une hausse de la TVA à ses cotisations sociales patronales.
L’idée est d’abaisser les cotisations sociales par la mise à contribution des consommateurs qui ne sont pas que des salariés, via une augmentation de la TVA, un impôt payé par les consommateurs et non par les entreprises (En effet, il est bien prévu que les entreprises répercutent la baisse de charges dans leur prix mais l’expérience de la baisse de la TVA dans les cafés et restaurants ou sur les travaux dans l’immobilier ont montré qu’elles ne le font que rarement et encore très partiellement).

Sarkozy et son équipe viennent de s’apercevoir qu’un quinquennat ça passe vite et que dans quatre mois c’était les élections, ils ont donc réactivé ce vieux projet de la droite et du MEDEF.
La « TVA sociale » comporterait également un objectif de « politique commerciale » voire « industrielle » en incitant les consommateurs à se réorienter vers des produits « made in France » dans l’hypothèse peu probable que les entreprises répercutent cette suppression des charges patronales dans leur prix.

La gauche a beau jeu de dénoncer l’injustice d’une telle réforme qui pèse relativement plus sur le bas de l’échelle sociale (la TVA est l’impôt le plus injuste), et plus conjoncturellement de craindre son impact négatif sur la consommation et sur la croissance au moment où la France est entrée en récession.
Si certains socialistes ont un temps défendu ce projet, on peut supposer qu’ils sont davantage favorables à un relèvement de la CSG ou à d’autres réformes fiscales. Mais une fois de plus, on ne peut déplorer que la gauche ait laissé l’initiative d’une proposition sur cette question essentielle à Sarkozy et, pour l’heure, son absence de proposition alternative.
Il en va malheureusement de même avec l’annonce faite de la mise en place de la taxe sur les transactions financières en France, mais cela fera l’objet d’un prochain billet.


Une TVA vraiment sociale ? Libération 2/1/2012 (vidéo)

La « TVA sociale », un dispositif injuste et antisocial Christiane Marty (Fondation Copernic)

TVA sociale, le moment est mal choisi 
Guillaume Duval sur Alternatives Economiques 
 


Claudine Doury, Kolkhoze de coton, Kokand - Ouzbekistan 2002

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