mardi 20 septembre 2011

Paroles de sympathisants de gauche





Sur les plages, à la campagne ou dans les quartiers bobos de Paris, «Libération» a rencontré des sympathisants socialistes entre espoirs et doutes.

[...] Sur la plage de Bray-Dunes (Nord), les pieds dans le sable, Roger, 54 ans, a ouvert la table et les chaises pliantes. Avec un copain du boulot, il regarde la mer et surveille les enfants. Il est là grâce au conseil régional, qui finance le billet de train à 1 euro, cinq week-ends dans l’année. Les gens viennent de tous les coins de la région. «Mais là, y’a pas beaucoup de monde. C’est bientôt la rentrée, ils n’ont pas d’argent.»
Dans le Nord-Pas-de-Calais, aux régionales de 2010, l’union de la gauche a recueilli près de 52% des suffrages malgré une triangulaire avec la liste menée par Marine Le Pen. Le PS demeure la première force politique.
Alors oui, Roger va voter à gauche, mais sans illusion. «Au PS, pour l’instant, on voit pas grand-chose.» Il résume : «On est désabusé, mais on espère. Regardez la réforme des retraites. On a manifesté contre, mais vous croyez que les socialistes vont revenir dessus ?» Agent technique dans une mairie «de droite» dans la région de Valenciennes, il estime que c’est «le milieu ouvrier et la classe sociale la plus basse qui paient les pots cassés». Il se souvient qu’«avant», une journée au bord de la mer s’accompagnait d’un resto le midi. «Maintenant, comme dans la chanson de Michel Jonasz, les restaurants, on fait "que passer devant".» Avant quoi ? «Avant le passage à l’euro, et avant Sarkozy.» Roger aimerait «une union de la gauche». Fils de communiste, il appréciait «le facteur» [Olivier Besancenot, ndlr], mais aussi Jean-Louis Borloo, sans avoir jamais voté pour l’un ou l’autre. Il trouve qu’Aubry «ne dit pas que des bêtises». L’affaire Strauss-Kahn ne l’intéresse pas, mais il est «étonné» de voir qu’il y a «beaucoup de pognon derrière». [...]

Sur la plage, près des filets de volley, Gaya, Trésor, Mehdi, Laëlla, Soufiane, Aurélien, Nawfal, Marine. Ils sont étudiants et lycéens à Lille et Tourcoing. Eux aussi ont pris le train à 1 euro et la navette gratuite jusqu’à la mer. Gaya, 19 ans, étudiant en économie, voudrait que les socialistes «mettent l’Etat au centre des décisions économiques. Il faut reprendre le contrôle sur la finance». Il attend de la gauche plus de justice fiscale : «Une personne au Smic paie plus d’impôts que quelqu’un qui détient des actions, ce n’est pas normal.» Mais lui non plus n’est pas sûr que les socialistes auront assez de «courage». «Ils ne vont pas changer le système, ils vont juste limiter les dégâts pour nous, le peuple.» Comme Roger, il doute que le PS, une fois au pouvoir, revienne sur la réforme des retraites. Il s’inquiète aussi d’un manque de cohérence : «La différence est trop forte entre l’aile gauche du PS et les proches de Strauss-Kahn». Et il rêve enfin de communistes au gouvernement, «comme en 81».

En écoutant son camarade, Mehdi, 20 ans, étudiant en droit, réplique que lui «soutenait Strauss-Kahn.» Il ne se démonte pas : «Avec DSK, les socialistes auraient pu gagner. Il aurait fait mieux qu’Aubry, Hollande ou Royal.» Gaya : «Explique-moi comment c’est possible d’être de gauche et libéral…»
Gaya enchaîne. Il est contre les primaires, les petites phrases. «Ils s’étripent en public, ce n’est pas bon, leurs adversaires le voient, l’opinion aussi.» Il est encore choqué du «Qui va garder les enfants ?» de Fabius à propos de Royal, en 2006. «On a l’impression qu’ils ne s’aiment pas. Comment voter pour des gens qui se détestent ?» Au final, il attendra le second tour de la présidentielle pour voter socialiste. Quant à Martine Aubry, il trouve qu’elle a fait de Lille une «ville agréable», mais il a l’impression qu’elle est «bourrée de peurs. Quand elle parle on n’est pas transporté». [...]
L’intégralité d’Un peuple de gauche mobilisé, mais sans entrain sur Libération du 26 août 2011

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