Mogadiscio (Somalie-09-2010) par Feisal Omar World Press Photo
Il y a des choses que le marché - et encore moins le marché mondial - ne peut pas faire. Paradoxalement, l’idée d’un Etat actif implique aujourd’hui la reconnaissance des limites auxquelles se heurtent nécessairement les tentatives humaines, à l’inverse des ambitions utopiques et présomptueuses du passé récent : parce qu’on ne peut pas tout faire, il nous faut sélectionner ce qui est le plus souhaitable ou le plus important. L’idéalisation du marché, avec le postulat que tout est possible, et les forces du marché qui déterminent le champ des possibles, est la dernière illusion moderniste en date (sinon la dernière dans l’absolu) : celle que nous vivons dans un monde au potentiel infini où nous sommes les maîtres de notre destin (tout en dépendant, en même temps, du résultat incertain de forces sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle).
Les partisans de l’Etat interventionniste sont plus modestes et désenchantés. Ils préfèrent choisir entre d’hypothétiques résultats plutôt que de laisser le hasard, ne serait-ce que parce qu’il y a quelque chose de fâcheusement cruel à abandonner certains biens et services ou certains aléas aux vents du destin.
Le deuxième argument pour préserver l’Etat est pragmatique, à moins qu’il ne soit dicté par la prudence. Parce que les marchés mondiaux sont une réalité, parce que le capital et les ressources font le tour de la planète et qu’une bonne part de la vie des gens échappe à leur contrôle ou au contrôle de ceux qui les gouvernent, le besoin de conserver les institutions intermédiaires qui rendent possible une vie civilisée normale au sein des collectivités et des sociétés est plus grand que jamais. [...]
EUR à Rome, monument construit sous Mussolini
Ce que nous n’avons pas saisi, c’est qu’à l’aube de XXIe siècle, l’Etat lui-même est devenu une institution intermédiaire. Quand l’économie, et les forces et les modèles de comportement qui sont liées, sont véritablement internationaux, la seule institution qui puisse effectivement s’interposer entre ces forces et l’individu sans défense est l’Etat national. Un tel Etat est tout ce qui peut se dresser entre ses citoyens et la puissance sans limites, non représentative, illégitime des marchés, des administrations supranationales insensibles et irresponsables, et des processus dérégulés sur lesquels les individus et les collectivités n’ont aucun contrôle. [...]
De même qu’il n’y a que la démocratie politique pour se dresser entre les individus et un gouvernement surpuissant, de même l’Etat-providence, régulateur, est le seul à se dresser entre ses citoyens et les forces imprévisibles du changement économique. [...]
Qui plus est, il n’est pas dans l’intérêt des partisans des forces du marché mondial de chercher le démantèlement de l’Etat-providence. Il arrive souvent que les marchés dérégulés se délégitiment eux-mêmes, comme de nombreux exemples historiques le suggèrent. [...]
La stabilité sociale et politique est, elle aussi une des variables économiques importante, et dans des cultures politiques où l’Etat-providence est la condition de la paix sociale, celui-ci représente un atout économique local essentiel, quel que soit son comportement économique. [...]
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