dimanche 1 avril 2012

"No future" à Budapest





La réalisatrice Lucile Chaufour a voulu savoir ce qu’étaient devenus les punks de Budapest qu’elle avait filmés en super huit en 1984. Par un montage de ces images avec celles des retrouvailles, elle en a fait un remarquable documentaire « East Punk Memories », présenté au festival international de films documentaires qui vient de se dérouler à Paris.

Aujourd’hui jeunes quadragénaires, ils appartiennent à une génération qui a vu se réaliser en 1989 son rêve le plus fort : la fin du régime communiste haï et l’accès à la liberté en démocratie capitaliste, à « l’âge des possibles ».

Il ressort de leur propos un étonnant mélange de détestation de l’époque communiste et de nostalgie.
Si le temps qui a passé les incline, comme nous tous, à considérer avec indulgence leur jeunesse et à n’en conserver que les bons souvenirs (le cas de mon service militaire est pour ce qui me concerne emblématique), aucun ne regrette le système totalitaire qui les avait poussés à devenir des punks harcelés par la police.
Pourtant, quel que soit leur place dans le nouveau régime capitaliste, la désillusion et l’inquiétude semblent les sentiments les plus partagés : précarité de leur existence, pauvreté d’un très grand nombre, insécurité et violence, éducation et soins devenus payants. Le communisme avait ses maux, mais pas ceux-là.


Berlin - Karl Marx-Engels Forum - mars 2008

Et la politique ? Sur ce plan, le « no future » semble continuer à prévaloir.
L’un d’eux va jusqu’à dire que les politiciens sont aujourd’hui aussi mauvais que du temps du communisme.
Être élevé dans un système où « le politique » était hypertrophié, y est sans doute aussi pour quelque chose.  
« Dans ce système, être punk, c’était naturellement être de droite » dit l’un des garçons.
Le communisme était internationaliste, l’opposition serait nationaliste, d’autant plus facilement que le sentiment national est exacerbé depuis le traité du petit Trianon qui fit perdre à la Hongrie deux tiers de son territoire, avec un magyarophone sur trois se retrouvant en dehors des nouvelles frontières.
A cet égard, notre copain László, hongrois originaire de Transylvanie en Roumanie, raconte que lorsqu’il fit la demande de la nationalité française et qu’on lui proposa de changer de nom, il pensa : « ce n’est pas de nom que je veux changer, mais est-ce que le lieu de naissance c'est possible ?»


 "On ne veut pas qu'une part du gâteau, on veut toute la boulangerie" Berlin avril 2010


Mais ce n’est pas seulement pour cette raison, que Viktor Orban a accédé au pouvoir en 2010 avec son projet souverainiste et conservateur. Il profite du démantèlement des acquis du socialisme engagé par la gauche libérale sous la pression de l’UE[1] et des banques, qui lui a permis de donner à son parti une image « sociale ».
C’est d’ailleurs ce que dit avec étonnement l’un des ex-punks. Par un étonnant chambardement dont la Hongrie n’a pas l’exclusivité, à gauche (pro-européenne), on ne trouve plus guère que « les riches ».
Bref, ici peut-être plus encore que chez nous, la confusion idéologique paraît totale.

«Prolétaires de tous les pays d’Europe, unissez-vous !» aurait pu écrire un Marx en petite forme
Euh..., c’est pas gagné.


[1] En 2004, leur pays a rejoint l’Union Européenne dans l’avant-dernier élargissement, portant à 25 pays son effectif.



Ai Weiwei Study in perspective au Jeu de Paume








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