Barbara Kruger Think Twice ask questions
(Réfléchis y à deux fois, pose des questions)
(Réfléchis y à deux fois, pose des questions)
Quand les inflexibles Draghi et Merkel redécouvrent le mot croissance
Face à la situation économique et
sociale alarmante des pays qui se sont vus imposer les purges d’« austérité »
et de leurs effets désormais sensibles sur leurs partenaires, l’inflexible apôtre de l’austérité Angela Merkel s’est vue à son tour contrainte d’annoncer « un agenda croissance dans l’UE ».
Après avoir renouvelé son soutien
au candidat Sarkozy, tout en ménageant son rival qui pourrait l’emporter, elle
s’est empressée de répéter que le pacte
budgétaire que François Hollande veut réformer "n'est pas
renégociable", pour la simple raison qu’il venait d’être signé par 25 chefs
de gouvernement, et parce qu’ensuite la Grèce et le Portugal venaient de le
ratifier, ce qui est beaucoup plus contestable puisque ces deux États sont
quasiment sous tutelle.
Sur les axes de cet « agenda croissance »,
afin de ne fâcher personne et de ne pas se dédire, elle a évoqué le
renforcement des capacités de la Banque européenne d'investissement (BEI) et à
une utilisation plus flexible des fonds européens.
La flexibilisation accrue du marché du travail, pour améliorer la compétitivité des États et non une relance par les dépenses publiques
Pour la chancelière allemande comme
pour le président de la BCE, Mario Draghi, ex. de la banque Lehman Brothers au
temps où cette banque maquillait les comptes de l’Etat grec en vue de son
acceptabilité dans la zone euro, depuis mise en faillite lors de la crise
financière des subprimes, les leviers
de croissance doivent être recherchés dans des « réformes structurelles qui libèrent les énergies » à savoir "faciliter
l'entrepreneuriat, l'établissement de nouvelles entreprises et la création
d'emplois", même si elles « heurtent de larges intérêts" et
"font mal".
Quèsaco ? De quoi parle donc
l’homme qui en février annonçait la fin du modèle social européen ? Un porte-parole de la BCE a précisé à l'AFP qu'il s'agissait de réformes telles
que la flexibilisation accrue du marché du travail, pour améliorer la compétitivité
des États et non une relance par les dépenses publiques - à laquelle il s'oppose
fermement.
Sardon Bon point : Le majeur
« Des charges salariales » et des « barrières sur le marché du travail » abaissées
« Souplesse » et « flexibilité »,
supprimer les « rigidités ». Qui peut être contre ? Toujours ce
recours si redoutablement efficace à l’euphémisme et la litote, au détournement
de sens du discours des dominants (la LQR d’Eric Hazan).
Angela Merkel précisera :
"Les charges salariales ne doivent pas être trop élevées, les barrières
sur le marché du travail doivent être basses, afin que chacun puisse trouver un
emploi".
Sur le premier terme, on a déjà
évoqué ici le mode de financement de notre protection sociale qui nuit encore
trop à la création d’emplois et la réforme des prélèvements obligatoires qui
devraient être prioritaire. Mais qu’est-il donc visé dans la deuxième partie de
la phrase « Les barrières sur le marché du travail doivent être
basses ».
Vers la suppression du salaire minimum ?
Le salaire minimum ? En Grèce,
on planche sur sa suppression conformément aux injonctions des Européens et du
FMI, au moment même où les salaires dans le privé ont chuté de 23 % au cours de
l’année écoulée. Chez eux, comme en France, son niveau ne permet plus de vivre
décemment, l’abaisser, en l’état des filets de sécurité sociale, accroitrait le
risque de désincitation à l’activité.
Le contrat à durée déterminée voire le contrat commercial comme normes ?
Le travail précaire ? Il concerne
en France près d’un travailleur sur 4 (moitié à statut précaire - intérim et
CDD -, l’autre moitié exercé en indépendant) et on signe des contrats de quelques
heures avec des jeunes pour le week-end.
Davantage de flexibilité du temps de travail ?
La flexibilité du temps de travail ?
Chez nous, elle est devenue la norme dans la plupart des secteurs en contre partie de l’instauration
des 35 heures ?
Alors quoi de plus pour nous faire
retourner au XIXe siècle ?
Il semble que la nouvelle frontière
soit l’abrogation du droit du licenciement.
Gilbert & Georges Fuck
En finir avec les charges qui pèsent sur les entreprises qui licencient
C’est une vieille revendication du
patronat représentée par Mme Parisot dont les parents étaient l’une des 200
familles les plus riches du pays.
L’argumentation est la suivante :
les obligations des entreprises en cas de licenciement économique, notamment
leur coût, seraient un frein à l’embauche (ou à la réembauche) et à la création
d’emplois.
Licenciement pour motif personnel, démission et rupture conventionnelle pour y échapper
Comme toujours avec les
« libéraux », l’idée fait appel au « bon sens » individuel.
Si on se met un instant dans la peau d’un recruteur, on n’a pas de mal à
concevoir que ces obligations puissent freiner l’embauche, d’abord en
augmentant la pression lors de l’embauche : la crainte d’une erreur de
recrutement qui pourrait entraîner des coûts de divorce.
Sauf que le
législateur a prévu pour parer à cela la période d’essai qui d’ailleurs a été rallongée.
« Mais
le salarié peut se mettre à dysfonctionner ou à me porter sur les nerfs, alors
là, à moi les emmerdes pour le virer», peut ensuite craindre le recruteur.
Qu'à cela ne tienne, s’il dysfonctionne (si
ce n’est pas le cas, il paraît relativement facile de le faire "dysfonctionner"),
un licenciement pour motif personnel n’occasionne aucun coût de licenciement,
au plus des honoraires d’avocats.
D’ailleurs, les entreprises ne s’en
privent pas (76 % des licenciements en 2004, contre 24 % pour motif économique,
alors que ces derniers représentaient en 1994, 58 % des licenciements), comme
il n’y a pas de raison que les salariés soient plus inaptes que leurs
prédécesseurs, on peut affirmer que les entreprises recourent au licenciement
pour motif personnel afin d’échapper à leurs obligations pour des licenciements
de fait collectifs.
Enfin, depuis juin 2008, Mme Parisot
a obtenu du législateur la séparation à l’amiable, la « rupture conventionnelle » que réclamait le MEDEF. Employeurs et salariés semblent s’être emparés de l’instrument puisqu’en octobre 2010, 430 000 contrats
avaient été rompus de la sorte pour 500 000 démissions, 500 000
licenciements économiques et 1.4 millions de licenciés pour motif personnel....
"C'est vrai quoi, désormais, quand l'amour est mort, les couples se séparent sans en faire tout un plat. Pourquoi donc continuer à dramatiser les licenciements? Quand un employeur et son salarié ne sont plus heureux ensemble, pourquoi ne pas se quitter sans larmes?"
G. Mathieu pour Alternatives Économiques
Le faible niveau de chômage danois ne serait pas dû à la flexi-sécurité
Le modèle mis en avant par les
« libéraux », notamment par l’UE, est la « flexi-sécurité »danoise. Problème : il semble être déstabilisé par la crise, et avoir bien
fonctionné tant que les créations d’emplois étaient régulières, autrement dit,
le modèle n’est peut-être pas en soi un moyen de créer massivement des emplois,
dont les déterminants sont ailleurs.
Une étude d’un centre de recherche allemand publiée en 2007 et portant sur 9 pays européens durant la période de
1994 à 2001 (c’est ancien, j’en conviens) conclut que, tous pays confondus, les
réformes de marché du travail n'ont pas contribué à créer des emplois. La
dynamique du marché du travail s'expliquerait moins par les réformes du droit
du travail que par la conjoncture économique globale. En revanche, elles
peuvent changer la part des CDD : lorsqu'on rend plus facile la rupture d'un
CDI, le recours au CDD devient moins fréquent.
La déréglementation du marché du travail espagnol aggrave le mal
Alors, est-il vraiment absolument
nécessaire d’aller plus loin dans la suppression de garde-fous à la
généralisation de la précarité et de la défiance ? Est-ce vraiment de
ce genre de levier dont a besoin l’Europe pour sortir du bourbier dans lequel
elle s’est mise ?
Les nouvelles en provenance d’Espagne dont les conservateurs appliquent tout l’arsenal de l’austérité
prescrite par la Troïka (UE, BCE, FMI) et les marchés financiers, sont très mauvaises.
La réforme du marché du travail
(baisse du coût de licenciement, facilités pour les entreprises à faire des
charrettes…) a déjà entraîné une perte d’emploi pour 150 000 personnes. Selon
les prévisions de la prestigieuse Funcas ((Fondation des caisses d’épargne), un
demi-million de personnes devraient connaître le même sort d’ici à 2013.
Pour Fernando Mínguez, du cabinet
d’avocats Cuatrecasas, l’handicap espagnol, « c’est l’absence totale
de tout crédit. Les banques sont concentrées sur leur propre survie et ne
prêtent pas un centime aux entreprises et aux familles solvables, certes peu
nombreuses en raison du chômage record. Pas de crédit, pas d’oxygène, la
panique monte. »
La preuve par la chute, si cela était nécessaire,
que la zone Euro n’a absolument pas réglé son problème de gouvernance
monétaire et économique.
Post-scriptum
Je viens d’avoir un coup de fil de
mon neveu Valère. Dans un café-restaurant en Corse, il
bosse 7 jours sur 7, 16 heures par jour et partage avec les quatre autres personnes un taudis.
Plus de 100 heures par semaine,
terminant le travail à minuit-une heure du matin une semaine sur deux, sans
autre perspective de repos que peut-être deux ou trois jours en mai. Il va de
soi que dès qu’il trouvera autre chose, il partira.
Dans ce café-restaurant, on ne peut
pas dire que l’employeur soit gêné par l’existence du droit du travail le plus
basique, alors les indemnités de licenciements, n’en parlons pas !
« Ces 500 000 emplois qui ne trouvent pas preneurs » est un très vieux marronnier de presse (c’était
déjà ce chiffre quand j’étais étudiant, c'est-à-dire, il y a au moins trente
ans) à l’appui du discours « le boulot, y en a, faut le chercher ».
Ce genre de boulot doit en faire
partie.
Le policier de Nadav Lapid