jeudi 23 février 2012

Dettes publiques, Euro et politique : dernières nouvelles du bourbier


Athènes 13-2-12 - Yannis Behrakis/Reuters




Ce fut de nouveau le chaos ce week-end aux alentours du Parlement grec qui votait le nième plan d’austérité  pour un pays plongé dans la récession et la misère, et pensé par l’équipe de Lucas Papademos, ex de la Banque centrale européenne, à la demande de la troïka UE, BCE et FMI . 
Deux mesures particulièrement sidérantes, sans surprise, ont rassurés la Bourse de New York qui a ouvert en hausse ce lundi là : 
-          la baisse de 22 % d’un salaire minimum qui ne suffisait déjà plus pour vivre et de 32 % pour les moins de 25 ans (une discrimination inique envers les jeunes et sans doute illégale au regard du droit européen).
-          Dans un pays où un salarié sur cinq est fonctionnaire (à peu près comme en France où les emplois publics représentent 22 % de l’emploi total), le placement dans une « réserve de main-d’œuvre » de 15 000 salariés de la fonction publique, payés à 60 % de leur salaire de base avant d’être « licenciés » ( ?) sous un ou deux ans pour les gens proches de la retraite.

La troïka traîna un peu des pieds pour accorder de nouveaux prêts et d’effacement de dette en contrepartie (il manquait 9 milliards d’impôts ou d’économies), au moment même où certains se demandaient par voie de presse si le traitement n’allait pas achever le pays.


Madrid Avril 2011

 
Du côté espagnol, alors que le taux de chômage atteint 23 % (près de 50 % chez les jeunes de moins de 25 ans), le dernier décret du gouvernement conservateur facilite les licenciements et affaiblit les conventions collectives, en vertu du raisonnement « libéral » selon lequel moins les contraintes sont fortes, plus les entrepreneurs embaucheront. Les syndicats estiment quant à eux que cette réforme « va accélérer la destruction d'emplois » et « augmenter la précarité à moyen terme ». Particulièrement visée, la réduction des indemnités de licenciement de 45 jours de salaires par année travaillée à 33 jours, voire 20 en cas de licenciement économique dans certaines conditions. Une baisse du salaire minimum est également prévue.

Au Portugal, Fabien a discuté avec une homologue portugaise qui lui a confirmé que leur nouveau plan d’austérité priveraient les fonctionnaires dès cette année de 2 mois de salaires sur les 14 qu’ils touchaient jusqu’alors pour compenser le bas niveau de leurs traitements. D’ici 2014, il est prévu de diviser par deux leur nombre.
Plusieurs investissements publics comme la rénovation de l'aéroport de Lisbonne ont été reportés et la durée quotidienne du travail dans le secteur privé va être alourdie de 30 minutes.

Dans le magazine du Monde, je lis que l’ancien de Goldman Sachs, Mario Monti fait des miracles en Italie pour récupérer des recettes fiscales dans un pays où l’évasion fiscale est un sport national (on pourrait lui demander sa méthode pour la mettre en œuvre au niveau européen). Ça passerait plutôt bien auprès de la population car, pour une fois, les riches ne seraient pas épargnés ; au point qu’un conseiller fiscal de Rome raconte qu’il voit de plus en plus de ses clients « qui arrivent, apeurés » pour lui demander de « les mettre en règle ».
La ministre des affaires sociales a tout de même « éclaté en sanglots » à la télévision alors qu’elle annonçait des sacrifices aux retraités italiens.

 Athènes 12/2/2012
 
Bref, partout en Europe, « des gouvernements de techniciens » mettent en œuvre ce qui est depuis toujours la feuille de route du FMI : réduire l’argent que touche la population pour consacrer l'argent économisé à payer les créanciers, avec une totale indifférence à la misère sociale engendrée, à laquelle les pouvoirs publics eux-mêmes exsangues ne peuvent plus faire face.
Et quand tout le monde s’y met, qu’est-ce qui se passe,  hein ?
L’activité explose, le chômage et la pauvreté disparaissent :=)

Pour la zone Euro, il s’agirait également de « sauver » un bien collectif « l’euro ».
Pour y parvenir, vingt-cinq des vingt-sept pays de l'Union européenne ont accepté un nouveau traité de discipline budgétaire, autrement dit, ils s’engagent à inscrire dans leur législation le retour à l'équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l'Allemagne en échange d'une poursuite de sa solidarité financière avec les pays en difficulté. Cette solidarité s’exercera dans le cadre d’un « Mécanisme européen de stabilité (MES) ».
En fait, ça ne concerne directement pour l’heure que les 17 pays de l’Euroland. C’est une manière de réinscrire dans le marbre tout en le durcissant, le pacte de stabilité de l’euro pensé pour éviter les divergences des budgets publics nationaux de pays utilisant cette monnaie.


Si l’on veut conserver l’Euro, il est difficile de contester le principe d’une coordination des politiques budgétaires nationales de la zone et la perte de souveraineté qu’elle implique. En revanche, les nouvelles règles portent la marque d’une Europe presque entièrement gouvernée par la droite libérale ou conservatrice (22 ou 25 Etats sur 27).

En instaurant « la prohibition du déficit structurel au-dessus de 0,5 % du PIB, l’apurement sur vingt ans de la dette publique actuellement proche de 90 % du PIB jusqu’à 60 %, soit 1,5 % du PIB supplémentaire par an. Ce n’est plus de la rigueur c’est un exercice de mortification à perpétuité qui nous est offert », a déclaré Jean-Pierre Chevènement
Au PS, Hollande promet, s’il est élu, une renégociation pour y inclure "un volet de croissance et d'emploi".




 
On peut toutefois espérer que sous la pression d’une inévitable dégradation de la situation économique et sociale (et du changement de majorité politique en France et en Allemagne ?), d’autres solutions soient collectivement recherchées.
Pascal Canfin, député européen Europe écologie, membre de la Commission des affaires économiques et monétaires, et créateur de Finance Watch, dans une entrevue à l'hebdomadaire Télérama, voit trois mesures d’urgence de reprise de contrôle de la finance.

Tout d'abord, considérer la partie des dettes publiques européennes nées de la crise depuis 2008 comme une sorte de dette de guerre, et la rééchelonner sur vingt ou trente ans. Après tout, l'Allemagne a fini de payer sa dette de guerre il y a quelques années seulement ! Ce surcroît de dette, les Etats européens ne l'ont pas accumulé parce qu'ils sont subitement devenus plus dispendieux, qu'ils ont embauché des millions de fonctionnaires, mais parce qu'ils sont intervenus pour sauver les banques et l'économie ! Il faut donc isoler la dette née de ce sauvetage, ce qui diminuerait la charge des remboursements. Et on pourrait ainsi, tout en réduisant progressivement les déficits publics, relancer les investissements, notamment ceux, indispensables, de la révolution écologique.
Il faut ensuite que la BCE puisse acheter davantage de dette publique qu'elle ne le fait aujourd'hui, mais pas toute la nouvelle dette émise en 2012 - 800 milliards d'euros -, car cela entraînerait une trop grande création monétaire et un risque d'inflation. Trouvons un juste milieu. La troisième réforme essentielle étant de mettre fin à la spéculation sur les Etats. On vient de faire un pas dans ce sens, et c'est une grande victoire du Parlement européen : en novembre 2012 seront interdits les « CDS à nu».


Athènes 12/2/2012

Concernant l’Euro, Paul Krugman, chroniqueur au New York Times, est un brin inquiétant (il est aussi Prix Nobel d'économie) :

Je dois dire que, quand je pense à la zone euro, je me trouve dans cette situation étrange où tout semble inextricable. Je ne peux imaginer que la zone euro s'effondre. Cela me paraît inconcevable, on perdrait tant. Je me dis donc que les politiques feront tout pour résoudre cette crise. Mais je pense alors aux solutions à mettre en place, et là je me dis : "Non, il est impossible qu'ils prennent de telles mesures." Je suis alors confronté à une double impasse.

Pour lui cependant, l’inflation générée par une politique monétaire moins stricte de la BCE « n’est pas le problème mais la solution » en offrant la flexibilité qui manque à la zone Euro.


Youssef Nabil Say goodbye Alexandria- self-portrait à la MEP

 Quant à l’économiste Jean Pisani-Ferry, directeur du think tank européen Bruegel, il rappelle que pour relancer les économies exsangues du sud de l’Europe, il faut changer de politique.

Les investissements privés ne reviendront pas d’eux-mêmes dans ces zones sous-compétitives. Les Européens viennent seulement de comprendre que le redressement grec serait une œuvre de longue haleine, il y en a pour dix ans. Dans ces pays, il faut réinventer un modèle de croissance et d’internationalisation. Cela suppose un vrai changement d’approche, des politiques publiques de réindustrialisation, accompagnées d’une modulation des règles européennes en matière de concurrence et d’aides d’Etat. La concurrence doit devenir un instrument, au lieu d’être une valeur atemporelle. Un levier est déjà dans le budget communautaire : les aides régionales, dont il faudrait changer l’affectation pour qu’elles servent davantage à la croissance. En capitalisant les aides programmées dans un «fonds de croissance», on pourrait empêcher des coupes budgétaires dans des secteurs comme l’éducation, mais aussi amortir l’effet de la baisse des salaires ou garantir des prêts aux PME.

Ça pourrait concerner la France, non ? 

Enfin, il n’est pas inintéressant de se pencher sur le cas des pays qui se sont trouvés en cessation de paiement et qui ont refusé les poisons du FMI et consorts. Le journal Libération a interviewé l’ancien ministre de l'Economie argentin, Roberto Lavagna qui a géré cette affaire.


William Ropp - Mémoires rêvées d'Afrique - A la MEP

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