jeudi 11 août 2011

« En finir avec un système financier parasitaire »





Est-on entré dans un cycle dévastateur, fait de plans de rigueur, de récessions, puis de nouveaux plans de rigueur ?

La bonne réaction des politiques serait de dire que le G20, la Commission européenne prennent des mesures contre les agences de notation qui ont le droit de vie ou de mort sur les Etats ; contre les marchés financiers pour réduire leur importance. La bonne réaction serait de voir la BCE dire qu’elle financera toutes les dettes publiques de la zone euro et qu’on émette des euro-obligations. La bonne réaction serait de se mettre d’accord sur une nouvelle gouvernance européenne acceptable par les peuples, axée sur la croissance et le plein-emploi plutôt que sur la réduction des dettes et des déficits à tout prix. Or, au lieu d’une coordination par le haut, on la fait par le bas : les Européens croient rassurer les marchés en annonçant des plans d’austérité. Lesquels pèsent sur la croissance et, au fond, ne les rassurent pas. Quand la Grèce perd 4,5% de croissance, ça ne rassure pas. On est entré dans un cercle vicieux, une dynamique perverse entre Etats et marchés qu’il faut absolument briser.

Les responsables politiques français réagissent-ils bien dans la séquence actuelle ?

Je suis atterré par l’attitude du gouvernement français, qui se dit prêt à faire davantage d’effort, à faire de la réduction des déficits la priorité absolue alors que si tous les Européens s’y mettent, la croissance chutera et il sera impossible de tenir cette règle d’airain. Le plus tragique, c’est que certains au PS sont sur la même ligne et pensent que l’avenir de la France passe par un retour à 3% de déficit en 2013. Chaque fois que les marchés élèveront la voix, les Etats réduiront leurs dépenses publiques et sociales. C’est une démission de la démocratie. Elle est déjà à l’œuvre puisque la BCE conditionne son aide à l’Italie à une feuille de route de politique antisociale…


Andreas Gursky Chicago Board of Trade II (1999)

Au G20 de Londres, en 2008, les Etats avaient la main sur la finance…
Le lobby bancaire et financier a convaincu la classe dirigeante de torpiller toute tentative de régulation. Nicolas Sarkozy et le G20 avaient la bonne position : réduire la puissance des marchés financiers. Soutenir l’activité au profit de l’emploi. Le G20 n’a pas vu que la croissance ne pouvait pas repartir comme avant. Les ressorts de la croissance avaient, surtout aux Etats-Unis, été alimentés par les bulles financière, immobilière, et l’endettement des ménages. Après la crise des subprimes, il aurait fallu réinventer une autre croissance, basée sur la réindustrialisation, la hausse des salaires et le tournant écologique. Mais les vieux dogmes de l’efficience des marchés financiers, du «moins d’impôts» comme des excès des dépenses publiques ou sociales, ont réapparu… [...]

Que faire ?
Il faut avancer des alternatives à l’austérité programmée et arrêter la course à la rentabilité, la compétitivité, les pactes de stabilité, la gouvernance actionnariale des entreprises. Il faut en finir avec un système financier parasitaire. Laisser des banques faire faillite si elles ont trop spéculé, séparer leurs activités de dépôt et d’affaire. Et avoir, enfin, un secteur public de la finance démondialisé. Sinon, on conservera un système inefficace, injuste et non productif.

Entrevue d'Henri Sterdyniak, directeur du département Economie de la mondialisation à l’OFCE et l’un des co-animateurs du Manifeste des économistes atterrés dans Libération du 11/8/2011






Émeutes de 2005 dans les banlieues françaises

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